J'ai tout arrangé - Joël Roussiez
Date du document : 2011
Date du document : 2011
Rendons hommage à ceux qui, selon le projet de la Cosmologie, peuvent réellement transformer les œuvres et les rendre meilleures à savoir d’abord Didier Morin qui a rendu ce site possible avec Alexandre Ronsault, et Bernard Plossu, rencontré grâce à lui, qui nous relie vraiment au début du double enchantement de la marche et de l’écriture avec la Beat Generation.
Bernard Plossu a eu cette infinie générosité de se déplacer pour photographier quelques-uns des territoires minuscules du Quartier Saint-Michel de la Cosmologie, dont La Flèche (reproduite sur la couverture des États du Monde), et la rue dite Sauvage que l’on trouve en particulier dans Roman, écrit en 1968. On trouvera ici un choix de ces photographies.
NDLR
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Date du document : 2016
Rendons hommage à ceux qui, selon le projet de la Cosmologie, peuvent réellement transformer les œuvres et les rendre meilleures à savoir d’abord Didier Morin qui a rendu ce site possible avec Alexandre Ronsault, et Bernard Plossu, rencontré grâce à lui, qui nous relie vraiment au début du double enchantement de la marche et de l’écriture avec la Beat Generation.
Bernard Plossu a eu cette infinie générosité de se déplacer pour photographier quelques-uns des territoires minuscules du Quartier Saint-Michel de la Cosmologie, dont La Flèche (reproduite sur la couverture des États du Monde), et la rue dite Sauvage que l’on trouve en particulier dans Roman, écrit en 1968. On trouvera ici un choix de ces photographies.
NDLR
Date du document : Biennale de Venise Mai 2019
Date du document : 2018
Date du document : 22 Septembre 2017
Hommage rendu à un cinéaste extrèmement important pour le mouvement de Mai 68, dans le même désordre de flambée enthousiaste que Bernard Plossu et la Beat Génération.
NDLR
Date du document : Novembre 2017
Les Spicilèges de Roussiez
En complément du texte de Joël Roussiez paru dans le numéro de la revue Mettray consacré à la lecture, nous vous offrons celui-ci à lire, d’une texture différente et totalement inédit.
Nous ne saurions trop vous inciter à lire ses ouvrages récents : Au verger des Anciens, récits parus à la rumeur libre, et le grand roman picaresque autour du pirate Farfali, aux éditions de L’Arbre Vengeur.
NDLR
La lecture une forme de conversation,
Si l’on se propose de dire quelque chose sur la lecture, on ne peut faire l’économie de considérer qu’elle est devenue silencieuse ; et c’est à ce qui se passe dans ce silence qu’on va particulièrement s’intéresser. On interprète généralement cette situation comme celle d’un le lecteur qui reçoit passivement les signes émis; s’il est silencieux, c’est qu’il reçoit, tel est le raisonnement.
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Défricher-Déchiffrer
Ces encres ont la particularité d’être des palimpsestes de nus anciens. En effet il y a eu d’abord des nus académiques, réalisés dans un atelier près de la maison de Victor Hugo. Ces nus avaient la particularité d’être dégagés par l’entour : au lieu de la construction académique habituelle à partir du modèle comme centre, le peintre les avait laissé deviner dans une sorte de bénéfice de la lumière. Il a ensuite repeint par dessus (travaillant aussi sur des répulsions huile-encres), dégageant cette fois-ci des blancs comme des lumières dans un taillis, des trous dans un mur ou des déchirures dans un drap. Au-delà de Pyrame et Thisbé, je ne peux m’empêcher de penser ici aux notations des Choses Vues de Victor Hugo lorsqu’il dessinait un nu aperçu par la fente d’un mur, écrites en espagnol et en abrégé de telle sorte que n’importe qui ne puisse les déchiffrer.
O. N.
J’ai retrouvé au milieu de mes archives professionnelles ces deux coupures de presse de Libération qui dataient du début octobre 1973 et que j’avais collées ensemble, précisément au retour d’un long séjour à Varsovie.
Quelques années plus tard j’ai eu la chance de connaître Alain Borer comme enseignant.
Stanislaw Brzezinski
Langennerie à Chanceaux-sur-Choisille
Date du document : 2014
(Anne Guelvilec écrit de petits récits (non destinés à la publication) où souvent les voix et les personnages, bien que distincts, s’enchevêtrent.) Elle est née à Quimper. Après des études de peinture au Canada, elle vit à Paris. Elle a bien connu Thomasine Wallace à la fin de sa vie à New York.
« Jeanne, ma sœur Jeanne, comment nous vois-tu devenir ?
— Plusieurs voix me conseillent d’être gentille avec tous ces artistes.
— C’est toi, Jeanne, on a voulu que ça soit toi qui serves de modèle. C’est bien de toi qu’il s’agit ! Monet adorait les nuances azurées avant de les perdre, vermillons et garances, les teintes pures d’un seul jet, des épiphanies, les multiples rapports des choses visibles avec le ciel et la terre, l’harmonie lumineuse d’un grand système de vérité cosmique. Et Cézanne, souviens-toi : “J’ai épousé la mansuétude.” C’est autre chose. “Il n’y aura pas de Sainte-Victoire définitive de la vérité, mais en tout cas elle est peinte.” Rends-toi compte ! C’est à tout ça que tu peux participer.
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Date du document : Éditions Encres Vives 2017
On ne saurait trop recommander de lire (d’entendre), ce lyrique Chant du Monde, qui dans la fraîcheur magnifique de son inventaire fait penser à toute l’époque Linnéenne de Paul-Armand Gette, ce redoutable explorateur des lisières et zones de bordures, friches et autres…
NDLR
Date du document : 15 août 2017
(Autobiographie du bras gauche. Éditions Tarabuste. 2017.)
Je pense ici bien sûr à Michaux qui à cause d’un problème de bras cassé, avait tout à coup découvert “Michaux côté gauche”. Beaucoup moins à Twombly et aux évidences qui ont surgi dans les années 70 de devoir écrire ou peindre mal comme un gaucher (qui plus est, dans un bon milieu). Le Twombly d’Arseguel, c’est Tapiès.
Ce serait plutôt, dans le versant populaire, la plus grande rapidité dans le sport, comme le Fante de 1933 fut une mauvaise année, avec son héros qui veut devenir un champion de base-ball, et masse sans cesse son bras gauche (auquel il parle pour l’encourager), avec l’Onguent de Sloan.“J’avais fière allume à l’époque, la souple démarche d’un tueur à gages, la décontraction typique du gaucher, l’épaule gauche légèrement tombante.” “Mais Le Bras me permettait d’aller de l’avant, ce cher bras gauche, le plus proche de mon cœur.”
Je pense aussi à cette nouvelle de Maupassant où un pêcheur perd son bras arraché par le filet : comme l’expédition sera longue, il le conserve dans la saumure au milieu des poissons et le célèbre par un enterrement au retour.
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Date du document : 14 août 2017
Date du document : Printemps 1972. Paris
Alain Sebag (relit le projet de Statuts) : Nous soulignons notre indépendance de tout courant politique, mais nous ne somme spas a-politiques. Les problèmes moraux liés à notre pratique nous entraînent à un rapprochement avec les groupes ouvriers.
Nave : C’est un problème de fond, et non pas de forme. Est-ce qu’il faut mettre ou non le terme socialisme dans les statuts ; il faut définir notre engagement politique.
Alain Sebag : Ce texte est le cadre minimum du F.A.P. ; c’est celui qui a été adopté lors de la dernière assemblée générale.
Nave : Dans les statuts nous avons parlé “d’association pour la défense des intérêts moraux et sociaux des artistes, sans distinction raciale, religieuse ni idéologique… pour de nouveaux rapports sociaux et culturels dans une perspective socialiste.” C’est clair !
Philippe : Ce qui est important c’est la réfutation d’un “saut qualitatif” réformiste.
Nave : C’est mal exposé. Il faut marquer notre désaccord avec la “non-distinction idéologique” (à savoir le danger d’Ordre Nouveau, de l’U.D.R. et de tout le boy-scoutisme).
X1 : “Pour le socialisme”, c’est trop vague, et ça ne signifie rien si c’est uniquement dans les statuts : c’est du beurre.
X2 : Comment définir une action socialiste ? Comment dépister les fachos ? Est-ce que vous allez demander leur carte à ceux qui viennent ? Vous définissez un idéal, mais comment le suivra-t-on ?
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Date du document : 12 Octobre 1973
Date du document : 2012
Ce portrait-là est rempli d’une description impeccable, d’une trame tellement recroisée dans ses traits de burin qu’elle échappe à elle-même ; et va se “répandre une volupté comme d’un lit défait… ”.
Elle est digne des portraits de femmes faits par Plossu, quelque chose de très attentif et de très rapide, une voyance en coin d’œil, un entrevu foudroyant, et d’autant plus précis que le regard n’insiste pas, n’écrase pas la personne considérée, elle incipit : “Elle commença son récit en baissant le visage sur son bol vide”. Ce n’est pas non plus la parodie de La vierge au bol en Thimotina Labinette : rien de caustique ni de cynique.
La première phrase pourrait venir d’un Chant de Maldoror : “Le rictus amer d’une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l’oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu’elle m’apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant.”
Oh, oui certes, Roussiez est plein de vies et d’époques diverses, et plus ça va plus je crois (c’est-à-dire j’applaudis) à cette hantise des temps chez lui. On parle toujours dans les fictions et chez les parapsychologues de “vies antérieures”, et jamais des vies postérieures, or les époques apparaissant chez Roussiez sont des époques rabotées, devenues parfaites pour l’emboîtage et projetées en perspective ; Roussiez est un menuisier du temps. Son moyen-âge futur est un moyen-âge nettoyé. Peut-être que l’Éternel Retour c’est ça.
Avec obstination et douceur, cette description, effectivement, ce commentaire. “Je vous aime”, voilà ce qu’il dit, je vous aime. Scorsese ne dit pas ça, mais Cassavettes le dit, et Bruno Dumont, et Bernard Plossu.
On avance dans son texte qui ne sent pas le roussiez comme à travers les laies d’Un balcon en Forêt. Avec ces répétitions que le pseudo-pur styliste enlève mais que Gracq conserve en pierres de soutien latérales du chemin, car avec ça il fore, il avance, il troue la forêt dans ce grand vortex, cette spirale du temps.
O. N.
Avec obstination
(hommage à Krleza)
Le rictus amer d’une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l’oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu’elle m’apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant. C’est son profil qui me frappa et c’est pourquoi je me levai rapidement pour faire sa connaissance. Il était tôt et il ne fallait pas l’effrayer, aussi laissais-je mon chien filer au devant d’elle pour l’accueillir. « Mais pourquoi se rictus amer » lui demandais-je plus tard lorsqu’elle eut accepté un bol de café. « J’ai quitté des lieux sombres où le temps ne passait pas, la pourriture chaude m’a éloignée et je marche pour me défaire d’une sorte de boue… Je vivais dans une ville aux lourdes colonnes et aux temples sobres ; la vie y était sereine, tranquille, pétrie d’habitudes et de calme. C’était une vie sans calcul qui se déroulait comme il convient sans malheur excessif, ni joie intempestive. On y disait les paroles qu’il fallait : va donner aux poules et aux lapins, ou bien : la vie n’est pas vaine qui s’accomplit chaque jour. Un beau jour on mourait et nous étions en deuil ; les cérémonies étaient courtes et sincères sans faste ni larmes abondantes… » Ses traits étaient doux et son regard puissant, les formes de son cou, de ses épaules et de ses bras, étaient rondes et agréables comme remplies d’une chair ferme et chaude qui venait sourdre de la peau et répandre une volupté comme d’un lit défait…
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Date du document : 2012
Ce texte aussi beau que du Gracq est du Travailleur Roussiez.
O. N.
La mesure des tombeaux
(hommage à Verlaine)
Nous sommes auprès du tombeau et scrutons les alentours où il n’y a rien, rien d’autre que nous ici et nous le savons bien, puisque nous sommes venus dans cet endroit seuls. Nous n’avons pas souhaité être accompagnés, il nous semblait que c’était à nous de faire la démarche, d’y aller nous-mêmes malgré la difficulté. Il a fallu traverser la plaine où guettaient des lanceurs et des piocheurs, il faut faire attention, nous a-t-on répété, lorsqu’ils te prennent, tu n’en a plus pour longtemps. Et nous avons répondu qu’on n’en avait de toute façon plus pour longtemps… Le tombeau est vide, il est fait en béton banché d’une seule pièce hors le couvercle qui est entreposé sur deux chevrons juste à côté. J’ai apporté mon mètre ruban, il faut mesurer le tombeau en longueur, largeur et profondeur, l’étude doit le spécifier. Pour mesurer la profondeur, il va me falloir descendre à l’intérieur… Je regarde les environs, il n’y a personne qu’une lande déserte de bruyères et d’ajoncs; un arbre court sur la gauche est si décharné qu’il ne peut rien dissimuler, un autre à trente mètres de même ; à côté se trouve une pierre assez grosse…, assez grosse pour cacher quelqu’un, je le pense et me le dis. Et puis je chante : des arbres et des moulins sont légers sur le vert tendre… Que faire, la crainte s’est insinuée en moi tout doucement alors que je chantais, elle est descendue et s’est emparée de quelques endroits, dans le ventre peut-être ou bien dans les épaules… Quelqu’un y guette quelque chose, c’est moi qu’il guette, je ne sais…, et s’il surgissait… Je tombe en rêve dans le tombeau que l’on bouche, personne ne m’entends plus, la lande est silencieuse… Descendre m’inquiète.
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Date du document : Montpellier 2011
Photo de Alicia B.
Date du document : New York 2008
Photo de Alicia B.
Date du document : 2010
15’30’’
Notes :
En automne, dans un paysage sylvestre isolé, un cycliste enveloppé par cette nature, la
traverse, la gravie et redescend, on le suit jusqu’à le perdre.
C’est le partial et imparfait portrait d’un homme-à-vélo dont on ne sait pas où il va, ni d’où
il vient, comme continuellement entre un point A et un point B. Il pourrait être un natif de
Tlön (“Ficciones” de Borges), sans futur ni passé, juste continûment dans un présent. Nous
le prenons en cours de route, le suivrons, puis dans la descente nous le laisserons et lui
nous sèmera.
Ce film naît de THROBBING GRISTLE, de leur morceau « Discipline »* filmé au Kezar
pavillon à San Francisco, en 1981. Genesis Breyer P’Orridge envisagé comme un «demi-
sage» : sa dévotion pour le « I want discipline » qu’il use. Mon film est une libre
interprétation de ce moment, faisant de cette transe une tentative de sport à haut niveau.
Pour un cyclisme aux acharnés héros : Jewey Jacobs (“Le Surmâle” d’Alfred Jarry), le
Chronos (Maurice Roche) ou les échappées de « Sunday hell » (Jorgen Leth).
Amelie Derlon Cordina
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Pour ceux que ce travail intéresse ou passionne, la première projection de Mange tes morts de Amélie Derlon Cordina (film vidéo le plus récent, et postérieur à Discipline), aura lieu dans le cadre de l’exposition collective :
To Hug a Snake
Exposition en résonance avec la 11ème Biennale de Lyon.
du 10 septembre au 15 octobre 2011
Vernissage vendredi 9 septembre à partir de 18h30
Subsistances, 8 bis quai St Vincent, 69001 LYON.
Date du document : 2011
Une barque se dandine sur le lac tranquille, de petites vagues cognent sa coque solide qui glisse contre le quai de bois et les roseaux. Son havre est étroit mais agréable, la berge est douce, couverte d’herbe verte en pente légère jusqu’au seuil d’une jolie chaumière de pierres. Des bouquets de roses surgissent dans le feuillage épais et sombre des rosiers rustiques; on entend le chant d’une flûte picolo et dans l’âtre brûle un bon feu; si la journée est belle, resplendissante même, le matin reste froid car nous sommes au printemps. Le printemps au bord du lac perd très lentement la fraîcheur de l’hiver mais l’automne résiste et garde longtemps les chaleurs de l’été. « Quand l’automne sera là, je ne serai plus là », une jeune fille le chantonne, sa sœur joue de la flûte; allongée sur le lit, elle accompagne les paroles joyeuses. Une soupe légère mijote, la mère repasse une ceinture de dentelle, ensuite il faudra faire le chemisier, « ma fille se marie avec sa chemise de lin ! », et puis « pom-pom-pom ! » rentre le tonton, « j’apporte le jasmin et les fleurs d’oranger », « pose-les ici » et voilà qu’il s’assoit. Oui, il prendra bien un bol de café, ça fait une tirée du château jusqu’ici… La flûte joue doucement avec un peu de précipitation, c’est la mélodie des amants qui dit: si tu me quittes alors je meurs et si tu restes, je vais mourir sur l’heure…
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Date du document : 2011
Suite de ces petits textes comme fragments d’Éternité, dont Roussiez a le secret.
O. N.
L’âme du visage
Nous passons l’éponge, effaçons ainsi ce qui s’est passé, du moins on veut le croire car sur nos visages se marquent imperceptiblement les émotions que nous vivons; sur ce tableau des impressions s’inscrivent donc les choses que nous avons vécues, non les choses matérielles mais en quelque sorte l’empreinte qu’elles laissent sur nous; et encore faudrait-il dire que passant par notre système émotif, elles lui donnent des impulsions qu’il transmet à notre peau ou grave, selon l’expression de Jean. Ceci expliquerait le vieillissement de ces dernières qui se rident tout doucement comme des parchemins… Pourquoi emprunter à l’extérieur l’état de nos cœurs, peut-être parce que nous ne sommes sûrs de rien, que nous ne souhaitons aussi rien exprimer de particulier, peut-être parce que nous ne sommes qu’une caisse qui résonne aux impulsions; en bref, nous déménageons ainsi sans cesse de nous-mêmes mais comme il est impossible de quitter nos corps, nous restons en surface, suspendus en quelque sorte entre deux lieux; c’est ainsi que la peau se fripe… L’explication des vieux était toujours amusante et le jeune Louis aimait bien les faire parler. C’est d’eux qu’il tenait ce qui semble avoir été un savoir profond « bien qu’au fond, disait-il, ce ne sont que des anecdotes »… Toute vie est transposée de sa caverne originelle vers un conteneur social, répétait le vieux Jean par exemple et Louis écoutait cela qui avait des résonances en lui mais lesquelles, on ne le sait pas. Pourquoi le vieux Jean portait-il le pantalon large des marins, ce qu’il n’avait jamais été, parce que, disait-il, le ventre du navire était sa patrie. « Je suis citoyen des pays de l’absence de gloire , je travaillais dans les soutes avec mes comparses mais ne va pas croire qu’on se sent protégé à l’intérieur de ces murailles et de ces forts, suivant l’expression qui désignait pour nous les machines et la salle de l’entreprise pour laquelle je travaillais qui fabriquait en acier des véhicules automoteur; ne va pas le croire ou t’imaginer qu’à l’heure du casse-croûte et dans l’agitation de la journée, une tranquillité s’installait dans nos cœurs comme celle du paysan qui travaille ses champs. Au contraire, Louis, il y avait dans notre fébrilité quelque chose de trop agité, on le sentait sans pourtant souhaiter suspendre l’activité de l’usine ou bien encore souhaiter partir de ce poste qui nous fermait cependant au dehors et au reste des entrepôts… » Le jeune Louis écoutait ces discours étranges qu’effaçaient les jours nouveaux sur le tableau des événements qu’on tenait à jour à la maison des informations… C’était une bâtisse, dira-t-on, à trois volets de containers sur une longueur de cent cinquante trois mètres; elle était conçue pour être déplacée suivant les besoins, ainsi sa structure était faite de colonnes et traverses en carton pour être légère. Louis, pour parler aux gens des archives et des informations qui écoutaient avec plaisir ses enthousiasmes de jeune homme, s’y rendait plutôt vers la fin de la journée quand le travail ralentit…
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Date du document : 2011
Le barde chante ce qu’il peut
Nous placions nos dieux dans les angles de nos pièces afin qu’ils ne dérangent pas et veillent ainsi discrètement sur nos vies. On plaçait haut leurs figures afin qu’elles dominent la pièce entière, cacher nos gestes à nos dieux n’avait guère d’importance mais on souhaitait pouvoir se retourner sur eux et les apercevoir à tout instant. Nous n’avions pas de rituel par lesquels nos vies auraient pris les contours d’une routine douce et prévisible, nous n’attendions aucun retour du temps, ainsi nous fallait-il une présence constante et cependant discrète… Lors de nos voyages, on emportait leurs figures dans des boîtes dont une des parois manquait afin qu’on puisse les voir plus facilement; certaines boîtes avaient un petit système qui permettait à la figure de tourner et de présenter ainsi tantôt sa face, tantôt son profil de manière analogue à celle qui paraissait à nos yeux dans les angles de nos pièces… Nos maisons n’étaient pas grandes mais on y ménageait de grandes ouvertures car il fallait que la nature y entrât le plus possible, sans cela ce qu’on craignait le plus, c’était l’enfermement.
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Date du document : 2011
Ô chauds soupirs! (Louise Labé)
J’entends à l’intérieur une bête qui grogne et secoue mon cœur sur toute la longueur de ma poitrine et je médite alors sur le temps court de ma vie. On peut être d’un autre avis et me trouver un temps à vivre long mais il me semble que j’approche de la fin et cette bête qui grogne bat le temps qu’il me reste. Elle ne grogne en effet que par à-coup mais assez régulièrement comme si…, comme si quoi? Me dis-je en me prenant les mains et secouant la tête, cela porte à méditer et cependant méditer sur quoi, quoi donc dans mon cœur bat et qui ou quoi grogne ou ronge sous les os du thorax? Qu’on me ronge les organes est une chose curieuse car je ne sens que peu de douleur et il m’est donc difficile d’imaginer un animal vivant sous l’enveloppe cutanée. Pourtant je sens que mes forces déclinent doucement et que, dès le matin, j’ai des affaiblissements de jambe qui m’obligent à m’asseoir assez vite avant de reprendre le cours normal du réveil. Pourrait-on chasser une bête pareille avec des poisons et des drogues?
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J’ai tout arrangé : (Shakespeare, R. Musil)
J’ai tout arrangé pour ma disparition, mes livres, mes papiers sont à la disposition de mes proches. Je ne lègue pas mon meilleur lit puisqu’aujourd’hui ces choses n’ont plus de valeur. Je ne lègue donc rien que des écrits d’auteurs et quelques uns de moi.
(lire la suite…)