Arbres de bois n°2
Date du document : Après 1984
Date du document : Après 1984
Date du document : Après 1984
Date du document : Après 1984
Date du document : Après 1984
Date du document : 2000 et après
GéRARD, T’ES LA ?
Il n’y a d’inscription que d’agrément. L’art ne vient que par le cœur à l’esprit, et la peinture est comme une toile amicale qu’on dispose pour prendre un pique-nique en commun dans la campagne qu’on peindra demain, à mi-chemin vers la maison familiale d’été. À l’image de cette halte du Prince dans Le Guépard.
etc.
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Date du document : 1965
DIMANCHE
C’est dimanche, les coups de gris,
La lithurgie, huîtres et le coke.
Voici la douche wagnérienne,
Babas au rhum et Chantilly,
Et le crabe en métal doré.
Grand-mère est vraiment furieuse :
Les avions nous survolent, noirs ;
La neige aussi s’est assombrie
Sous les étoiles aux voix de chats ;
Il a neigé tout un ennui.
etc.
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Dimanche, poème non attribué à un frère ni l’autre. Nini. Ni Nycéphore, ni Nicolaï. Fait partie de tout ce vrac, ce pisé, adobe, bauge ou torchis, ce remplissage entre les cloisons.
À 17 ans le vrac Aragonien, probable… qui lui même (“plafonds/profonds”), n’est pas loin des scansions Hugoliennes.
Date du document : 1999
ENFANTS
Il y eut de multiples mouvements d’enfants avant cela.
L’enfant : sa raison d’être, son globe, sa lampe,
Petit sourire mutin du matin créant des fossettes à la journée
(Affres des os des songes, cent mille douleurs distinguées !).
Comment placer ce suspens, garder la perte sans la peur ?
Quand ça sort, on reste bête !
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Date du document : 1963
Du genre au style ! Comme on l’entend.
NDLR
Date du document : 1971
LA LETTRE À TESSON
(14-18)
« Voilà ce qu’Yvonne m’écrivait, au milieu de mes pérégrinations, ce 20 Août 15 : “En tout cas, soldat Tesson, tout ce que je vous conseille (au-delà de nos débats faussement mystiques), c’est “l’exercice au plus tôt !”
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Date du document : 1975
LA PLIURE DE 17 (Bataille du milieu)
5. La Bataille du Milieu. Hiver 17
La présence de l’Histoire n’est ici qu’allusive, et le Temps se rebrousse à partir des deux bords du Champ de la Guerre pour aboutir à la pliure trouble et tremblante de 1917, sensible comme une secousse sismique à travers le Monde, comme le sera plus tard celle de 1971 à la suite d’une toute autre coupure irraisonnée.
Au fond du sac et dans les alentours, le conflit mitraille, parti du début et de la fin pour aboutir à la pliure du milieu, ici, à l’effondrement du Fort de la Cité Des Morts : il émane tellement d’odeurs infectes des fosses, la terre est tellement saturée de cadavres que ça tuerait n’importe quel passant hasardeux ! Ailleurs le chlore, le brome et l’ypérite (certains ont cru que le nom venait d’Ypres, à cause d’une terrible après-midi de printemps !), donnent des agonisants convulsés, des mourants vomissant le sang, des morts verts écumants.
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Date du document : Après 1984
LE CAPITAINE
On l’appelle aussi “Capitaine”, comme ça, lorsqu’il trouve de beaux décors au plus loin, avant des voisinages sinon indéterminés mais du moins innommés.
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Date du document : 1971
LOUIS SUR L’ATLANTIQUE
(1939-1945)
Au-delà de la plage (cette fois-ci c’est l’Atlantique), d’un bout de l’horizon à l’autre sur la mer, dans le petit jour gris espérant l’aube aux doigts de rose, on voit toute une armada de silhouettes massives de cuirassés et de croiseurs, puis plus légères de destroyers.
Derrière eux d’énormes navires de commandement hérissés d’antennes, puis ceux de transport et les bateaux de débarquement.
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Date du document : 1971
LOUIS WAGON
Louis Mac Carthy s’est engagé dans la marine ; il n’est là qu’en permission mais il veut travailler aux Wagons-Lits quand il sera démobilisé ; il nous raconte qu’ils ont installé des pupitres électriques avec des télécommandes dans les Premières : plusieurs boutons de couleur aboutissent au compartiment d’un policier assistant le contrôleur.
En bandeau au fronton de chaque wagon, désormais :
Votre anonymat sera respecté
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Date du document : 26 Août 1991
Arrivé à ce point du récit dans l’Écriture (lequel ?), fortin fort peu prenable, il s’agissait de fabriquer de l’Or avec le matériau brut de tous les jours et à partir de la bibliothèque constituée, et ceci pour un nouveau réalisme (Faulkner, Rimbaud, Claudel même ; on était très loin de Zola) ; prendre la cythare d’Orphée dans une transe Quechua pour chanter le monde, au lieu de le décrire, transformer ce qui est privé de connaissance.
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Date du document : Avril 1968
AU FOND DU CHANT
Au fond du chant, époques des maison chères et d’autres antres de magie, la nuit venue. Je plonge, au lieu de rentrer directement de l’École, par un détour aux jardins d’onyx et je m’assoie posément sur un banc pour fixer dans les vastes soirs de la Marne tout ce que l’enfant ne savait préciser.
On mâche une dernière croûte de pain alors que la troupe passe sous les platanes. Grande misère et tristesse de l’image télévisée au sein des hurlements chez les cousins Perez ; bonheur radiophonique de l’enfant seul enfin chez lui. Il l’a retenue par la manche ; elle lui a dit :
« Éteins !… » Elle s’est laissée déshabiller, embrasser, caresser… L’enfant nu, la femme défendue, le mystère…
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Date du document : Novembre 2017
Les Spicilèges de Roussiez
En complément du texte de Joël Roussiez paru dans le numéro de la revue Mettray consacré à la lecture, nous vous offrons celui-ci à lire, d’une texture différente et totalement inédit.
Nous ne saurions trop vous inciter à lire ses ouvrages récents : Au verger des Anciens, récits parus à la rumeur libre, et le grand roman picaresque autour du pirate Farfali, aux éditions de L’Arbre Vengeur.
NDLR
La lecture une forme de conversation,
Si l’on se propose de dire quelque chose sur la lecture, on ne peut faire l’économie de considérer qu’elle est devenue silencieuse ; et c’est à ce qui se passe dans ce silence qu’on va particulièrement s’intéresser. On interprète généralement cette situation comme celle d’un le lecteur qui reçoit passivement les signes émis; s’il est silencieux, c’est qu’il reçoit, tel est le raisonnement.
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Date du document : Février 1982
ON SE CROISE !
Bassins comblés de houille, vous n’êtes plus de vastes jardins fleuris ; les enfants vont avec les pauvres, croisade Acéphale, oeillets splendides issus du sang d’Ajax !
Avant cela : famines ! Faute de blé, on mange des rhizomes, et on va !
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Date du document : 22 Octobre 1916
LA MORT DES AMIS
On peut penser que certains, un peu voyants, nous énoncent leur mort sans le savoir : Didier Morin parle de la femme écrasée dans un terrain vague par une Alfa Roméo dans Accattone de Pasolini, et Genet de “Ah ! Que ma quille éclate !” du Bateau Ivre à propos de l’amputation de la jambe de Rimbaud pour ostéosarcome qui précède sa mort de peu.
Au cours de son séminaire Barthes envisagea une fois la façon dont la maladie ou la mort pouvait toucher un homme dans la part de lui-même qui lui était la plus chère. Il prenait comme exemple Benveniste touché par l’aphasie et Mallarmé mort d’un spasme de la glotte. Tout cela très linguistique, tout de même : on était dans les années 70.
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Date du document : 1979
31. Loups !
(La laisse deleatur)
Lézard et Serpent d’abord ;
L’orage au ciel, la rage au sol
Sur Marie Gay, défigurée
Sous la lune, en prairie fraîchie de six heures,
Et frise des bois glacés.
C’est du cirque où marche un ours
Chocolant ventre d’un an, de Limoges,
Que les montreurs de ménagerie
Ont lâché une louve enragée, bavante.
« Empeste au diable, ch’tit chien noir ! »
Neuf jours badés, neuf jours barrés,
Neuf jours de chair, neuf nuits de sang,
Loups renaissant parmi les failles,
Trois mois sur l’herbe et trois sur vent,
Ayant réduit enfant en bouillie pour croire,
Pour surgir. Cachés en ronces et faits de bords,
Eux, enhardis d’impunités en leurs aziles,
Dépècent dans l’Initiation d’autres viandes ;
Et les fleurs blanches dont abonde
Le ciel défait, vibrent à leurs dents d’acacias.
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Date du document : Après 1984
COURRIER DE LYDOU (extrait)
Lydou & Jean font partie du troisième tome des États du Monde, celui des Enfants, et non pas du quatrième des Adolescents. Ils sont restés dans l’Enfance, et dans ce volume ils ne font pas partie de la Ligne des Escholiers Primaires, mais de celle des Orphelins Colporteurs.
Jean fait du cinéma, et Lydou l’aide.
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Date du document : Avant 1984
Que faisiez-vous en Mai 1968 ?
À cette question inquisitrice, un ami suisse répondait “Je courais le Marathon.”ce qui avait la double vertu d’être vrai et très utile à ce moment-là.
Un autre grand philsophe hégélien et belge (grand pour moi entre mille autres choses par sa pratique croisée de la musculation et du tennis et cette phrase : “La cuisine belge, c’est la qualité française alliée à la quantité allemande.”), apprenait à ce moment-là à sauter à travers les vitres des cafés avec un casque de moto pour éviter une répression redoutable (et les éclats !).
Voilà deux hommes pragmatiques.
Dans ce que O. N. appelle ici “l’Académie”, École d’Art à Bordeaux il y a eu beaucoup de liens avec la Fac de Lettres, le Campus et la Fac de Sciences, mais plus encore avec les amis du C.R.E.P.S. coureurs et boxeurs. Des liens également avec ces deux capitales que sont Toulouse et Paris.
Il y a eu aussi des bousculades majuscules et pas mal d’errances dans le bon sens.
L’engagement est devenu tout de même très vite balnéaire dès juillet (malgré l’Université d’Été au Campus), et pour la rédaction du grand projet pédagogique futur il n’y avait plus que trois personnes à l’Académie, et quatre dans le bureau de Chaban pour le “rendez-vous ultimatum” d’évacuation du chef de guerre le samedi 16 juin.
Il y aura certainement eu à partir d’aujourd’hui des héros grandioses des barricades d’hier (dont d’aucuns devaient être barricadés chez eux), ou le professeur Fromage (qui ne cesse de couler en peinture !), mais le plus drôle est certainement de s’apercevoir combien on était ailleurs et parfois même dans une inactualité absolue.
Pierre G. Sivocq
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Défricher-Déchiffrer
Ces encres ont la particularité d’être des palimpsestes de nus anciens. En effet il y a eu d’abord des nus académiques, réalisés dans un atelier près de la maison de Victor Hugo. Ces nus avaient la particularité d’être dégagés par l’entour : au lieu de la construction académique habituelle à partir du modèle comme centre, le peintre les avait laissé deviner dans une sorte de bénéfice de la lumière. Il a ensuite repeint par dessus (travaillant aussi sur des répulsions huile-encres), dégageant cette fois-ci des blancs comme des lumières dans un taillis, des trous dans un mur ou des déchirures dans un drap. Au-delà de Pyrame et Thisbé, je ne peux m’empêcher de penser ici aux notations des Choses Vues de Victor Hugo lorsqu’il dessinait un nu aperçu par la fente d’un mur, écrites en espagnol et en abrégé de telle sorte que n’importe qui ne puisse les déchiffrer.
O. N.
Date du document : 1979
32. Géographie
“Ainsi s’unissent astres et planètes, Fogazarro,
Non par le corps, mais par la lumière ; ainsi
Les palmiers non par la racine mais le feuillage.
Voici nos noms sortis des forêts, sentant le fauve.”
« Au milieu des lions te voilà ! C’est toi qui descends,
T’assieds tranquille ! » disait le maître de Géographie,
Tendant sa cannevelle immense sertissant la craie
Vers la carte, à propos de la Louve.
Lutte avec l’Archange, chastes récits vivants !
Plus qu’aucun autre, “çui des images”
Passant à travers philtres le moindre zéphyr lu
(Un élève du Sodoma : Ricciarelli, dit Le Braguetteur.)
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L’homme d’aujourd’hui, lorsqu’il cherche à se représenter le Moyen Âge, croit généralement avoir à accomplir un énorme effort d’imagination. Le Moyen Âge lui paraît une époque sombre, reculée dans les ténèbres du temps, un moment du monde où il ne faisait jamais de soleil et où vivaient une humanité, de sociétés radicalement différentes de celles que nous connaissons. Or il nous suffit d’ouvrir les yeux sur notre univers, il nous suffit de lire chaque matin nos journaux : le Moyen Age est à notre porte ; il persiste à côté de nous et point seulement par quelques vestiges monumentaux ; il est de l’autre côté de la mer qui borde nos rivages, à quelques heures de vol ; il fait partie de ce qu’on appelle encore l’Empire français, et pose à nos hommes d’Etat du xxe siècle des questions qu’ils n’arrivent pas à résoudre.
Plusieurs pays musulmans d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui en sont très exactement au au xive siècle de leur ère, peuvent nous fournir, sous bien des aspects, l’image de ce que fut le monde médiéval européen. Mêmes villes aux masures tassées, aux rues étroites et grouillantes, enfermant quelques palais somptueux ; même opposition entre l’effroyable misère des classes pauvres et l’opulence des grands seigneurs ; mêmes conteurs aux coins des rues, propageant à la fois le rêve et les nouvelles ; même plèbe aux neuf dixièmes illettrée, subissant pendant de longues années l’oppression et puis soudain traversée de révoltes violentes, de paniques meurtrières ; même intrusion de la conscience religieuse dans les affaires publiques ; mêmes fanatismes, mêmes intrigues de la puissance, mêmes haines entre les factions, mêmes complots si étrangement ourdis qu’ils n’arrivent à se dénouer que dans le sang !… Les conclaves du Moyen Age devaient ressembler assez bien aux actuels collèges d’ulémas. Les drames dynastiques qui marquèrent la fin des Capétiens directs ont leur correspondance dans les drames dynastiques qui agitent de nos jours les pays arabes ; et l’on comprendra sans doute mieux la trame même de ce récit quand nous aurons dit qu’on pourrait la définir comme une lutte sans merci entre le pacha de Valois et le grand vizir Marigny. La seule différence, c’est que les pays européens du Moyen Age ne servaient pas de champ d’expansion aux intérêts de nations mieux équipées en moyens techniques et en armement. Depuis la chute de l’Empire romain, le colonialisme était mort, au moins en nos régions.
Maurice Druon. La Reine Étranglée. 1955. (de l’ensemble Les Rois Maudits). Ancien résistant et combattant sur la Loire en 39-45. Auteur entre autres du Chant des Partisans avec son oncle Joseph Kessel. Ministre de la Culture de 1972 à 1974.
Abdelaziz Benihyia
Date du document : 23 janvier 2018
On trouvera ici l’entretien in extenso réalisé par Pierre Benetti et Tiphaine Samoyault pour la revue En Attendant Nadeau, dans les locaux et avec le soutien de Mediapart.
Névrose, psychose et perversion ; valse à trois temps, variantes du négatif : déni, désaveu, clivage, dénégation, refoulement…
La place du discours par rapport à l’objet, la place du réel entre les blocs de discours, l’occupation de cette place plus ou moins publique par les Enfants et les Morts. Le réel au lieu des frisettes de langage, trou de Kim Carson ; langage obus meurtrier pour le canon lui-même et la cible, comme ces saloperies de “sous-munitions”. Puis la place du langage comme transformation des choses ; la rhétorique de nouveau cristallise en pensée. La place n’est pas un vide, malgré toute cette vulgate du yin et du yang, etc. C’est un plein ! Pietro Bodhisva
J’ai retrouvé au milieu de mes archives professionnelles ces deux coupures de presse de Libération qui dataient du début octobre 1973 et que j’avais collées ensemble, précisément au retour d’un long séjour à Varsovie.
Quelques années plus tard j’ai eu la chance de connaître Alain Borer comme enseignant.
Stanislaw Brzezinski
Langennerie à Chanceaux-sur-Choisille
“L’enfer n’existe pas – STOP – Tu peux te dissiper – STOP – Préviens Claudel – STOP – Signé : André Gide”
La Folie II.
La Bande de la Folie-Méricourt tournait autour de Monique Charvet et d’Ermanno Krumm. Elle se réunissait la plupart du temps dans leur appartement.
Il y avait là Rio, Ariane, Mina, Laurence, Anna et Frédéric/Que, un hermaphrodite albinos. Chantal (dite Ophélie), s’y ajoutait de temps à autre sans vraiment faire partie de la bande, et Françoise avait plutôt des relations amicales privilégiées avec Monique.
Le groupe avait pris ce nom en partie parce que c’est au deuxième étage d’un vieil immeuble de la rue de la Folie-Méricourt que se situait l’appartement de Monique et d’Hermanno, dont les fenêtres donnaient d’un côté sur la rue, de l’autre sur la cour d’une école primaire. En partie aussi à cause du fait que ses membres passaient une grande partie de leur vie à Ste Anne, dans le “pavillon ouvert” Henri Rousselle.
Parmi les visiteurs de la rue de la Folie, je ne crois pas que Duault soit jamais venu, bien qu’il ait été proche à la fois d’Ermanno et de Borer. Borer y était venu au moins une fois, pour exposer sa théorie sur l’hylémorphisme, inspirée de Husserl et que je trouvais extraordinairement pratique, car elle permettait de classer toute l’histoire de la littérature en un quart d’heure.
À l’époque nous étions beaucoup à aimer les modèles mathématiques et les classifications, sans aller jusqu’aux algorithmes, bien qu’ayant “un papier et un crayon”.
À la Folie-Méricourt nous avons créé ce que nous appelions des Petits romans internes, c’est-à-dire dont les seuls protagonistes étaient les membres du groupe (repris dans une suite d’évènements les concernant), et destinés à eux seuls. Il y en a eu 11 en tout, si je ne me trompe, tous ronéotés dans le quartier.
Nous avions montré quelques-unes de ces réalisations à Roland Barthes un soir qu’il était venu souper à la Folie. L’idée lui avait plu ; il trouvait que c’était “une belle utilisation du minimum romanesque” et il nous avait longuement parlé de son propre idéal dans ce domaine.
Comme c’était à l’époque de son séminaire sur Brecht, Monique lui avait préparé du porc aux lentilles, qui était pour Barthes un des exemples de “l’aristocratie du goût avec des choses simples”, à propos de Mère Courage. Malheureusement Monique était assez expérimentale en cuisine, et Barthes avait dû lui expliquer les nécessités de la cuisson du porc ; les lentilles elles-mêmes étaient dures, et il n’y avait pas d’échalotte.
Monique s’est suicidée au bord de la mer au milieu des années 70 et Chantal peu après dans la Seine, persuadée d’un complot chinois la visant dans son quartier du Château des Rentiers, elle qui faisait des ménages pour payer sa crétine d’ analyste.
J’ignore si Ermanno Krumm avait récupéré tous les Petits romans. Il a en tout cas publié en dehors de sa collaboration avec Il Piccolo Hans et de ses recueils de poèmes, Le cahier de Monique Charmay, autre nom de Monique, qui devenait aussi parfois “la Reine des Hexagones Monions”, et lui a rendu généreusement hommage. Tous deux avaient également écrit en 1974 Tel Quel, un’avanguardia per il materialismo, et Monique a traduit beaucoup de textes de Verdiglione pour Tel Quel et pour François Wahl. Elle a écrit un beau texte du nom de D’Hors qui n’a pas été publié, mais qui a circulé, notamment grâce à Françoise Labat.
J’ai pour ma part repris des éléments de ces récits dans Tuberculose du Roman (détruit), et dans la partie de la Cosmologie consacrée aux Orphelins Colporteurs, dont La Bande de la Folie-Méricourt fait partie
Il y eut beaucoup de séances de table tournante à la Folie-Méricourt, jusqu’à la nuit où la table nous échappa, se précipita sur Ermanno et faillit le faire basculer par la fenêtre pour le faire tomber deux étages plus bas dans la cour de l’école primaire dont on entendait régulièrement dans la journée les jeux et les cris joyeux.
Il y eut même ailleurs, dans une maison hantée, l’expérience faite par Monique de se coucher en travers d’un couloir où régulièrement on entendait les pas d’un revenant, et elle sentit distinctement de part et d’autre de sa poitrine, l’enjambement du mort.
O.N.
Date du document : 1980
( À propos de Didier fait partie du Tome III (non publié) des États du Monde , consacré aux Enfants, en particulier aux Lignes des Escholiers Primaires , et encore à l’intérieur de celles-ci du Trio des Enfants Malades . Le texte lui-même, par contre, a été publié par une revue étrangère.
Didier, c’est le frêre disparu de Nycéphore et Nicolaï.
Mais pour le coup le texte ici est d’abord un hommage à “deux vrais frères”, à savoir Didier Morin et Bernard Plossu, qui ont considérablement aidé à la publication de la Cosmologie.
Didier Morin avec tout le tournoiement du Vortex de Mettray.
Bernard Plossu qui a eu le cœur de faire tout un reportage dans le quartier de ces Enfants : Saint-Michel de Bordeaux.
“Des mecs réglo” aurait dit Burroughs.)
Le quai brille à présent avec sa densité de néons en premier plan, tel qu’on le voit depuis les toits de la rue Carpenteyre. C’est Lui d’abord qu’on voit en arrivant. À peine sevré du lait maternel, pour ainsi dire le lendemain, Didier se leva en souriant avec des dents noires ! Il en avait peu, mais ça suffisait : il avait mordu à la Mort dans la nuit et montrait à présent le vaisseau qui mène au pays d’Orphée, amarré sur le quai Sainte-Croix. Cavité, ventre, crématoire, locomotive ; tout à la fois. Cette teinte d’encre qui gagnait tout avait pénétré au cœur même de la porcelaine ; on eut beau lui laver la bouche tant et plus, rien n’en partit ni ne déteignit. Dès lors, il tomba malade, gardant toujours ce sourire atroce de Saint jusqu’à la fin, ce sourire insupportable !
L’ombre des dents se reportait partout, et il se mit seulement à hurler en mourant ; un très long cri silencieux, bouche démesurément ouverte : on n’entendait aucun son, mais au fond de sa gorge, au lieu de la luette on voyait le champignon atomique ! On avait oublié de le porter en riant dans toute l’enceinte de la maison et surtout à travers le Jardin Noir, de répandre sur lui l’eau lustrale ; il ne restait que la lettre Z, ballante, accrochée à un clou en bas de l’escalier, sur la porte vers l’Atelier. José était débordé.
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