Inventaire

Osiris Usines - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. 6. Usines

Date du document : 1970

L’Usine des Rêves
C’est extraordinaire ! La terre s’est retournée mieux qu’avec une défonçeuse double. Il neige ! C’est l’Usine des Rêves.
Voilà un plan d’exode massif qui passe, pour celui qui veut en finir avec l’Usine Seconde, sans se rendre compte qu’il tire sur son pousse-pousse un tas de tonneaux inutiles.
La connerie de tous les abrutis du siège s’était feutrée ce matin-là mieux que de la passion des roses rouges. J’étais sorti du lit avec un rêve antédiluvien coincé dans mon cervelet, et une gêne de ce côté-là, reptile ou herbe, pris d’une desmopathie générale. Les Bouriates ne m’étaient encore qu’un horizon à perte de vue tandis que Saîd avait perdu depuis longtemps ses ancêtres kabyles ; j’en viendrais un jour par procéder de point à point sur une carte, et uniquement comme cela. Ai-je encore une fourrure de glouton ? Voyons.
Du coup, je n’entendais plus les discussions, mais des voix, et celles-ci comme en hauteur, ou après avoir plongé profondément.
(Dans les hauteurs des monts kabyles en été, m’a dit Saîd, on entend sous les étoiles des voix dans les buissons, dans l’extrême fraîcheur de la Nuit : ce sont celles des jeunes recrues qui vont partir à l’armée, et qui chantent des mélodies d’amour en s’accompagnant à la harpe.)

Publié le 29 janvier 2009 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Dentiste & Bacon - Ligne des Adolescents. Aube et Nany. Été. L’Académie

Date du document : 1969

Nany.
(Le Dentiste me convoque dans l’ancien saloon où il travaille, et au lieu des réparations prévues avant mon récital de gospels autour des Apôtres chez La Grosse, qui a une grande terre, un peu plus bas, alors que je me préparais même à lui en entonner un du bon négrier John Newton, il m’impose un énorme appareil (paraît-il “nécessaire à mon registre”) en citrine transparente et résine polyesther, mais d’une construction extrêmement lourde et comportant des sortes de roues ou de “cales” aussi grosses que des demi-pommes, qui me forcent les joues plus encore que ne le fera le futur Barrault dans le rôle d’Opale, de Renoir, et les blessent.

Publié le 29 janvier 2009 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Usines et Défaillances - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été.

Date du document : 1978

Enfant, j’ai débarqué à l’île Seguin. Ensuite, devenu karatéka, lorsque j’ai de nouveau travaillé en usine, c’était uniquement pour notre communauté et pour préparer l’installation de mon “Camp du Gers” avec Maître O, en attendant de pouvoir rejoindre les autres en Afrique et aux Amériques. J’ai alors énormément volé, saboté et détruit de matériel ; cela faisait partie de nos consignes. Je glandais au lieu de travailler, provoquant les abrutis, les frappant entre les rangées de pièces, semant les objets n’importe où, brisant les plus précieux. D’autres du groupe sont venus travailler avec moi occasionnellement : Le Gitan, Pipo, Walter, Nany El Niño, et même une fois Osiris, mais le jour où il est venu, il neigeait et l’Usine a fermé, ça tombait mal !

Publié le 26 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Noir et Blanc

Date du document : 2004

Cette nouvelle est de Claire Viallat. Elle fait partie d’un volume en cours d’élaboration.

“La journée s’annonçait claire”. Or, il se trouve que L’Ombre est partout, à la fois savante et tactile ; elle fait partie du sujet et de l’objet autant qu’elle s’en détache. Hombre = c’est l’Homme en espagnol. On dit souvent d’une femme qu’elle est l’ombre de son père ou de son mari : “La fille de…”, “La femme de …” Mais si l’on sait que l’ombre c’est l’âme, ça voudrait dire que c’est ce qui leur échappe de meilleur. Comment dès lors ne préfèrerait-on pas lâcher la proie pour l’ombre ? Le réel du grand Autre chez Lacan, en somme.
Claire Viallat reprend ici une énigme ancestrale.
Comment suivre la ligne de crête de la sagesse entre ombre et lumière, et ne pas basculer au Pays des Morts (il n’y a pas d’ombre au Paradis), engloutie dans ce double anonyme du sujet, comment ne pas disparaître dans l’autre innommable dont les oreilles de loup pointent dans tout autoportrait (“l’autre-au-portrait”), trou de suspens vibratoire de la discontinuité dans le temps, latence prête à bondir sur l’apparence manifeste.
Ou bien, dans le plus pur démon de Midi à l’ombre courte, comment emprunter un passage cristallin vers l’au-delà ou l’Amour danse grâce au cadran solaire d’Arsène Lupin dans le Triangle d’Or ?
Ombre élastique, ombres des personnages à une autre heure que celles des arbres, dans Marienbad, hors-champ total des ombres d’Hiroshima qui sont les seules à rester alors que les corps (qui les ont portées ?) ont disparu après la lumière aveuglante.
Femme sans ombre de Richard Strauss (1864-1949), ombre de Peter Schlemihls qui s’échange dans une triangulation avec âme et bourse.
Puis topologie, topologie : la science de nouer des ectoplasmes ?

Onuma Nemon. Octobre 2008

NOIR ET BLANC

Si au lieu d’une figure vous mettez l’ombre seulement d’un personnage, c’est un point de départ original, dont vous avez calculé l’étrangeté.
Gauguin à Emile Bernard, 1888-1891, Pierre Cailler, Genève, 1954.

Tous excellent à donner un contrepoint de chair, de vie, au fantôme qui occupe le centre du récit, et qui transforme la vision du monde autour de lui.
Critique du film « L’Adversaire » de Nicole Garcia par Aurélien Férenczi, Télérama n°2746.

L’ « ombre représente la somme des domaines du réel que l’homme ne veut pas voir ni reconnaître en lui-même et qui lui sont, de ce fait, non connus donc inconscients. L’ombre représente le plus grand danger pour l’être humain car il ignore son existence, il ne la connaît pas. C’est l’ombre qui fait que nos désirs et nos aspirations ainsi que le résultat de nos efforts se manifestent finalement dans le sens contraire de ce que nous attendions. Les manifestations de l’ombre sont projetées par l’homme sur le monde extérieur où elles prennent la forme du « mal ». Cette projection lui évite de voir que la source de ce mal est en lui, ce qui l’effraierait trop. Tout ce que l’homme ne veut pas, ne supporte pas, n’aime pas incarne son ombre, elle est la somme de tout ses refus.
Thorwald Dethlefsen, Rüdiger Dahlke : Un chemin vers la santé, ed° Randin-Aigne, 1990, Suisse.

Publié le 17 décembre 2008 dans document texte

Memo. Compendium prépondérant - Ligne du Chaos. Printemps

Date du document : 1978

Compendium prépondérant.
Tra lala lalala lala ! ”(Saute d’un pied sur l’autre) “Tra lala lala lala ! Tra lala lala lala ! Compendium prépondérant d’un saut d’un pied sur l’autre à travers la forêt. Tra lala lala lala ! Vent froid contenant quelques
blancheurs, encore, de l’hiver passé. Figures de la Moi assez ! Et masques empreints de carbone. Ordures sans pourrissement possible. Arrière, formes fixes du fantasme répressif. Rétro, tout ça !

Publié le 14 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Memo.Cauchemar-Appendice de MaPa - Ligne du Chaos. Printemps

Cauchemar-Appendice de “MaPa”
Après cela, Memo eut un cauchemar en souvenir de son père : révulsion hideuse de l’Anus qui pend, comme une poche, un cancer, un fœtus, et dont il note le nom latin fourni comme banalement par le médecin : …ictère … … legumine…… Poche bleuâtre et violacée, lac sanguin mort, balancelle, suspensoir d’organe, petit sac ignoble, hémorroïde monstrueux et cancer avéré dans un double retournement de Mœbius, une réversion absolue de nacelle qui soutient cet œuf monstrueux du cul.

Publié le 14 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Memo. MaPa - Ligne du Chaos. Printemps

Date du document : 1978

Memo Bande à Part
Memo se réfère toujours à sa “Mamie”.
Mapa : c’est sa carte du Monde des Morts, où il circule, car il est le Dieu des Quatre Chiens (Dico, Duco, Facio, Fero). Il devient Onan dans le “Nomadisme” de l’Ourcq.
Memo intervient rarement hors de l’Au-Delà dont il est un Travailleur ; il avait pour intention, Vivant, de revoir sa vie ; il ne l’a pour ainsi dire passéé qu’à essayer de la refaire ; partant de là, il a été nommé responsable de cette fonction pour la Vie des Morts : d’en modifier les embranchements. Il voudrait toujours de la vie extraire “ce qui cloche” et garder le cohérent ; ou bien garder la “crête” en extrayant le vrac et le mauvais ; ou bien encore garder le “tenable” et extraire journal et récifs ; ou bien former des proses et des rouleaux à l’aide des vracs de devenirs ; ou bien composer des dossiers par année où l’on puisse injecter les étoilements de Dico, les poteaux thématiques de Duco, la puissante reviviscence par lambeaux de Facio, les rêves de Fero avec leur cohérence.
La seule chose sur laquelle il ne puisse pas intervenir, c’est “la partie
illuminée”
.

Publié le 14 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Médigo et la Mojo - Les Adolescents. Été. Cádiz

Date du document : 2000

À l’occasion d’un voyage de Ian McCoy en Andalousie, Garcia Medigo a mis en place avec lui “La Mojo Nation”, piraterie internaute héritée de Flint, des aventuriers des mers du XVIIIe qui rêvaient de contrées libérées du joug de l’Administration, du partage peer-to-peer et des marins de Pynchon. Répartissant les données sur les ordinateurs de trois millions d’internautes répartis sur toute la planète qui partagent leur disque dur, ils travaillent sur le projet Seti@home à la recherche de preuves d’une vie extraterrestre dans les signaux issus de radiotéléscopes. Chaque portion de signal interprétée multipliée par trois millions dépasse la puissance des meilleurs supercalculateurs.

Publié le 9 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Hunefoy - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été. Staphysagria

Date du document : 1986

Vous me permettrez d’intervenir du moins en ce point où je fonds avant d’atteindre l’Île Staphysagria de toutes les Utopies Sexuelles qui m’est destinée ! D’autrefois, je conçus que ma vie s’était organisée en séquences (d’où le récitatif du projet) : à chaque nouveau voyage (dans l’espace, le temps, l’esprit), fût-il minime et imperceptible aux autres, devait correspondre une nouvelle partenaire, quelles que soient les conditions (l’accompagnement, l’entourage) du déplacement.

Publié le 9 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Nycéphore. Cádiz - Les Adolescents. Été

Date du document : 1988

“Vivrai-je jusqu’en 2028 ? La quarantaine est le moment de ce navire bleuâtre, bien différent dans ce cas de celui où je me trouvais à Cádiz, prêt alors à refaire la traversée de Colomb, mais avant cela préparant tous les éléments techniques pour la venue de la troupe sur ce site.
Hier Héraklès est descendu de sa coupe sur le quai, après avoir tué Orthros, le berger Eurytion et Géryon, le fils de Chrysaor. Il a débarqué avec lui tout le troupeau de Géryon et il va remonter par la terre jusqu’à la Grèce.
Galère, drakkar, nef de Byzance, caravelle, vaisseau de premier rang puis brick de guerre, lougre, tartane, frégate et enfin cinq mâts… Prêt à pouvoir construire une naumachie intensive au-delà de toutes mesures des bougies décimales, en coupant au milieu du flux qu’il absorbe comme un buvard.”

Publié le 9 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

La Rábida. Matinée des Moines - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Printemps

Date du document : 1970

Matinée des moines invités
Elle leur dit à tous ces moines venus en enquête spirituelle depuis la Rábida, ici face au Santoña, qu’Onan est sûrement déjà mort d’inanition.
Le pénitencier de Santoña, en face, est à présent devenu invisible à travers cette averse de rideaux. On ferme la fenêtre : éclairs féroces, parquet mouillé, pressentiment de l’année qui tourne.

Publié le 9 décembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Nycéphore. La Défaillance - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Automne

Date du document : 1979

Texte Inédit. Travail de réduction en cours.

Nycéphore sortit du cabinet d’Acupuncture de Jean Shatz rue de l’Université, une après-midi d’automne de 1979, et se rendit chez le libraire bibliophile dont ce dernier lui avait parlé près de Solférino. Il fit d’abord les cent pas dans les alentours, indécis, pris d’on ne sait quelle crainte d’une découverte, avant de se rendre devant la boutique, comme on se dilapide en marchant. Dehors, à même la rue, le libraire avait disposé sur un étal des rangées de livres de poche que les étudiants devaient lui piller régulièrement ; Nycéphore hésita encore à franchir les deux marches du seuil puis enfin il se présenta à l’homme à la face palpitante dont un tic relevait sans cesse la commissure droite des lèvres. Dans ce capharnaüm où il vivait exclusivement on trouvait Balzac, Hugo, mais surtout au-delà tout le romantisme européen et les décadents. Puis des livres à reliure verte scolaire, des livres de prix à tranche dorée, avec des étiquettes et des numéros : donations de bibliothèques, ainsi de suite. Manies, phobies du personnage chiffon à la main, crainte des taches de tous ordres, raréfaction des moindres gestes comme de se lever pour aller ouvrir le tirage du poèle, retourner un carnet sur la table.

Publié le 12 novembre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Prise de Son à Laredo - Les Adolescents. Aube & Nany. Été

Date du document : 1967

Laredo. Samedi 5 août 7h1/2.

Cher passant du Styx,
Je voulais t’écrire allongée sur le sable de “notre” coin ; promesse que je ne tiendrai pas puisque je suis sur mon lit : beaucoup trop de vent dehors !
Je n’ai pas osé tourner la tête pour te voir partir ; ainsi tout à l’heure tu m’accompagneras sans le savoir dans le vieux village aux rues de cendres grises. Je voudrais tant te donner la main et caresser tes cheveux !
Après t’avoir quitté j’ai couru acheter des timbres et faire provision d’enveloppes violettes (pour toi) ; mais il n’y a nulle part possibilité de trouver des bandes magnétiques vierges, comme tu me l’as demandé ; le mieux sera que tu en récupères encore à la Radio. Je suis d’autant plus désolée que nous n’ayons pu enregistrer le vent sur la plage, ton départ, notre dernière promenade en ville… que Jacqueline était bien là, avec son magnéto, à nous attendre au “Las Vegas” depuis une demi-heure où nous n’avions pas su la voir.
Nous avons rencontré aussi Loco, l’ancien videur à la “Rana Loca”, l’été, pendant ses vacances. C’est un gars du C. R. E. P. S., tu sais, un Anarchiste, un copain de Jésus et de toute sa bande : Minet, Gérard, Bernard… Ces temps-ci, il adore faire des blagues au téléphone ; il nous a dit qu’il pouvait t’aider pour infiltrer des lignes dans des immeubles, avec un magnéto. En partant il nous a donné une carte de sa boîte.

Publié le 31 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Nany Machin. Nord & Sud - Les Adolescents. Été

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Nany Machin, c’est mon nom, je veux tout embrasser, tout emporter au fur à mesure, sans recours, sans aucun retour possible en arrière.
Parce que sorti sans blessures de la fosse aux lions, je suis un fleuve plus impitoyable que le torrent de feu qui fit envoyer à Rimbaud un bas à varices le 27 mars 1891, que l’écriture directe empruntant même sa graphie à l’immédiateté intensive n’est pas tout de moi, mais d_oit être dite_.
C’est Commode, le premier, qui, loin d’une humeur facile, signalé plutôt par ses débauches et ses emportements, m’incita par son exemple à ce
travail, craignant sans doute moi-même l’athlète qui viendrait m’inscrire historiquement dans mon bain de langue, étranglant les projets en cours, liés ensemble comme trois masses de biens jamais dépensés.
Je fais en sorte de laisser un interligne suffisamment aéré (comme les Pyrénées), ce que la loi interdit dans les actes authentiques, de façon à pouvoir intercaler un fragment oublié tel qu’“étranglant”, quatre lignes au-dessus de celle-ci.
C’est d’un Vrac qu’il s’agit donc, apparemment irréductible, et cependant toujours possible à reprendre dans le mouvement biographique, on le verra.
Il est bon de préciser aussi qu’il n’y a pas d’autre raison à ce récit que l’Aventure où nous fûmes lancés d’abord à quelques-uns changeants et mouvants, devenus des milliers malgré moi ou du moins bien au-delà de moi, par la transcendance d’un Grand-Oncle Gitan de Buenos Aires, enfoui dans la plupart de nos mémoires de famille, mais qui ressurgit sous la forme d’un cadavre baroque par l’intérmédiaire d’un Notaire,
personnage important du Cours de Gourgue à Bordeaux, et, pour moi, proche de Mauriac et de tous les chais un peu frais de la ville.

Publié le 27 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Nathalie & Nijinsky - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nathalie. Été

Date du document : 1986

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

À partir d’ici, en vidéo, dans le Studio Soudain où Nathalie vient se faire photographier en dansant, sur plusieurs écrans simultanés, le corps d’un arbre, vu par chacun des points d’articulation du corps : tête, épaules, hara, coudes, bite, chevilles.
(Arbre vu par épaule droite puis coude gauche.)

Nijinsky : “Il y avait d’abord l’ours dansant, l’ours énorme surgi d’entre les branches, et Kyra riait de le voir attraper ce minuscule écureuil qui venait de s’enfuir de chez nous, par la fenêtre, d’où on regardait, sur cet étang, ce lac, ce bief. Mais l’ours ensuite se mit à vouloir dévorer notre chatte ! Il se mit à l’absorber une première fois, puis elle ressortit de son estomac, galopa devant lui. Il était de nouveau en train de l’engloutir, lorsque je décidai de sortir de la maison pour la sauver. Je montai sur un pic, et là, d’un plan plus général, j’aperçus soudain un énorme boa, enroulé dans les rochers du bord ; je le signalai à ma femme qui se trouvait un petit peu plus bas ; je lui jetai des pierres et des choses diverses pour l’exciter, et celui-ci fit vibrer sa langue au-dessus de l’eau ; c’est à cet endroit que je reconnus sa tête ; jusque là je ne voyais que la confusion des courbes, des nœuds, des sentiments et de leurs passages…
Redescendu dans l’assemblée, je portais un col de clergyman qui m’allait véritablement à ravir, combiné avec ma veste chinoise à col mao, et un manteau du même genre, col officier. C’étaient trois successivement cols de même type. Mon père devait être un officier du passé simple.”
(Arbre vu par pied droit) (Arbre vu par Hara) (Arbre vu par bite)

Publié le 23 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Romantisme du Bus - Les Adolescents. Été. Le Lycée

Date du document : 1989

Texte inédit

Le trajet vers le Lycée c’était d’abord le trajet en bus pour nous tous, Nicolas parmi nous, et l’Idiot au crâne difforme de la rue Courteault spécialiste de Chateaubriant autant que de Lamartine qui parlait de ces habitudes au bas de la Morgue d’entreposer sur un bateau surmonté d’un pavillon noir par couches les cadavres des assassinés entre des couvertures de paille. Et on traversait toute la ville dans ce foutu bus puant sous les averses, tant il pleut à Bordeaux, avec partout des indondations à cause de ce temps pourri, de ce ciel de là-bas qui crève comme un phlegmon. On y faisait des concours à qui donnerait le plus de métaphores excrémentielles sur sa mère, incarnée comme une matoose, une merdouse. C’était à qui la détaillerait le mieux, filandreuse, émiettée, puant les œufs pourris ou l’acide chlorydrique comme des épinards hâchés, etc. On imaginait comme papoose Dieu son mari, vieux personnage incapable et barbu, grincheux et chieur en diable lui aussi à cause des intempéries qu’il dispersait sur Bordeaux, sans doute recouvert de la farine algérienne, uniquement préoccupé de précipitations aqueuses sur la ville, car Bordeaux est une Indochine, une cuvette malséante et putride.
On avait aussi des chansons pour les quelques grues qu’on tracassait dans le trajet, vendeuses des Noga et autres :
“Pouffiasse du lendemain grise,
Matinée de crise…” ainsi de suite.
Puis il y avait ce voyageur qui riait avec nous, obsédé par les contiguités fécales dont il nous parlait : manger un camembert bien puant assis sur le trône tout en débourrant ; il faisait souvent le trajet en notre compagnie, en imper mastic quelconque, un journal plié à la main.

Publié le 23 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Nycéphore chez Soudain d’Arlac - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Été

Date du document : 1976

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Mon unique photo lauréate et prise dans les bois d’Arlac près de chez Soudain (fils de Houdin et de Boudini, originaires de colons du Soudan), cicerone pour la récolte des cicatrices, voilà où je m’enfonce, avec la sale humidité, les graminées coupantes, sans savoir encore si j’ai quelque chose de commun avec le narrateur précédent, gomme qui rit de sa beauté morale et de sa difformité physique. Je me souviens de mon enfance au milieu des essaims d’abeilles d’Abel.
Avec le Rolleiflex, j’avais eu du moins la chance de découvrir “la visée ventrale”, l’appareil chaud tenu sur l’abdomen, comme en venant plus tôt le matin en vélo à Arlac, “l’énorme crabe rouge abstrait” sur un champ de blé de Dufy Dingo dans la revue “A la Page”, et la salle des pas perdus.
Je me rendais là-bas avec ce vélo sur lequel j’avais fixé un guidon étroit, le vent violent plissant la chemise de nylon, poignets vers l’intérieur, position rentrée ; secouée.
Puis au retour chez moi, toute l’eau avait envahi le débarras de l’ancien Couvent où nous logions, alors que je me sentais déjà tellement floué (quoiqu’il en soit, je boulonne !) de n’avoir obtenu, pour toute récompense de mon premier prix de photographie qu’un séjour de quinze jours de nettoyage et de restauration d’une ferme au Kansas où se promettait de m’accueillir un couple super sympa (“…et si vous avez fini assez tôt, vous pourrez vous amuser avec nous à faire les courses le week-end dans le patelin avec toutes les sortes de gens et de commerces typiques, et, pourquoi pas, on pourra même vous offrir une bonne bière !”)
Point d’aboutissement de multiples écoulements et de gouttières romanesques, le débarras, chambre noire, que l’eau inonde. L’eau, l’eau envahit tout comme la révolution des bourgeois charcutiers et marchands de grain l’église St-Pierre et la chapelle du Martyre, l’eau dont le niveau monte depuis les fossés du jardin désolé en contrebas. Heureusement, je trouve un tuyau de plomb qui curieusement surnage, et, le tirant, je retourne un lavabo qui me sert de coque de noix et me permet de pagayer jusqu’à regagner la chaussée.
Chez les Sœurs, on s’affole aussi : tous les Saints flottent.

Publié le 21 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Nicolaï chez Soudain-Tendance - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été

Date du document : 1978

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

J’avais rêvé, en entrant dans le monde de la photographie, de devenir reporter-criminel, mais pour rien au monde je ne voulais finir en tireur commun avec une chaîne cernant les pieds cadenassée autour de la colonne du Durst, comme tous ceux qui travaillaient là-dedans et qui n’avaient même pas le droit d’aller pisser : on leur apportait un pot en plastique (il n’y avait pas de tireuses !), ni même, version luxe, à faire des diapos de fonds de papillons et de fleurs le week-end comme en commettaient le couple Soudain, tellement parfaits, tellement anglo-saxons (or pâle) et tellement cons, avec la sangle de leurs deux Rollei passant en travers de leurs deux Lacoste.
« I doit être tourné vers la Noël, un tel film, un tel crâne de caméra, et y’a des individus glauciers qui mijotent dans le scénario ! »
La caméra est tombée. On va pas la laisser tourner par terre tout l’été. Il ne faut être en retard ni sur le rêve ni sur l’instruction d’une découverte philosophique due à une substance non numérale. On ne peut non plus laisser passer ça sans bouger du pif. Aussi la présence du petit con à mobylette derrière Arlette et moi, sur l’Intendance, face au porche du premier Studio Soudain, m’énerve.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
— C’est parce que vous me fixez, je bouge pas. »
J’avais la chance d’être mineur. Je l’ai fixé sans hésiter d’un coup de lame et davantage, un mois plus tard. Qu’on annonce la bonne nouvelle ! Ensuite, on pourrait filmer les inondations. Il y a eu à peine un entrefilet, personne n’a cherché.

Publié le 19 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Le Théâtre de Rétif - Esplanade des Girondins. 1989

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

« Qui mourrai-je de quoi ? D’une inattention portée au temps, bonheur attendu de rien, attenant à rien, et dont rien ne peut rendre compte ? D’une simple vasodilatation de l’âme… »
Il était dix-sept heures quarante, de l’autre côté de la Révolution, bord droit, au mois de Mars, et la surface presque chaude de l’herbe de l’Esplanade recevait de grandes tracées d’ombres en rayures sans véhicule.
Sur le bord même de la Révolution, à gauche, sur les terrasses du quai de Calonne interdit aux piétons la nuit, il y avait des accidents en contrebas, à l’endroit du parapet du Château-Trompette en cours de démolition, des brûlots divers (la bête prise, les bleus sans liesse), et le remblais en surplomb etait empli d’un attroupement de citoyens, arrêtés au-dessus de la situation.
Les sans-culottes et les officiers municipaux chassaient les voyeurs venus là d’un double geste énervé des mains, du genre : “Tirez-vous, sales rapaces, agioteurs du malheur !”
Nicolas voyait ça par son fiacre, mais surtout par la fenêtre de droite vers l’Esplanade (qui n’était encore qu’une esquisse au milieu des ruines, un trapèze immense irrégulier et tordu), il observait ces ombres esseulées, sans origine, et se retourna plusieurs fois sur la gauche, de plus en plus vivement, dans le but d’en surprendre les émetteurs fugaces.
Mais il ne vit rien, rien qui soit susceptible de les projeter.

Publié le 19 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Feuilletons ! 1 - (fragment)

Date du document : 14 juillet 1968

Ce texte fait partie d’une suite dite “Feuilletons !” de 1968 et 1969, ensemble non destiné à la publication, dont nous donnons un fragment.

La tour sombre du sapin, au bout de l’allée.
Nathalie parlait de très loin,
Unie à d’autres difficiles signes
Inclinés, se déversant en limaille.

Propriétés des retours
De rameaux bruissants
Sous les ombres du vent.

Publié le 5 octobre 2008 dans document HSOR texte

La Mort du Tsar - Les Adolescents. Été. Théâtre Lycéen

Date du document : 1966

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Voici l’exemple d’une des pièces que les Lycéens jouèrent à propos de la Révolution Russe en 1967 au “Théâtre du Styx” qui devait devenir la fameuse roulotte de Sainte-Croix.

Docteur Botkine. Bien sûr, on peut toujours rêver le domaine secret et sain de l’Intelligence. Mais moi c’est pas de la mer Noire où règne Sérapis, dont je veux vous parler, c’est de bien avant Sosso, du temps du plâtre et de la mort du jeune Nicolas.
Domestique Troup. Non, non ! Vous avez perdu ! Vous voyez : l’as de pique est tombé sur le valet de pique. (Il rit) Et donc c’est fini pour Sosso ! Son propre mal a été pire que lui. Cette sorte de variole bureaucratique sévit.
Docteur Botkine. Ce Caton de basoche de Kerensky, où est-il, au fait ? Balayé par Lénine, c’est ça ?
Domestique Kharitonov. Il est rendu à ses asperges vivaces et bleuies, bourré des idées saugrenues d’un généralissime de foire ! Tandis que vous, Docteur, vous voilà encore obligé de vous traîner avec vos maux de reins, et vos pieds gelés sur les fleuves !
Je vais vous parler moi de la mort du père Empereur de l’Industrie, (Macha au fond, en robe noire, s’avance) toujours si digne avec ses pantalons à liseret qui lui affinaient la taille et allongeaient sa silhouette ! Et je vous parlerai aussi du plus petit Alexis Nicolaévitch, inclu comme une matriochka dans le Père Nicolas, cet Industriel Hongrois de Libourne. Ils lui en voulaient parce qu’il était soi-disant du côté des “Blancs”.
Docteur Botkine. C’était pourtant un grand ami des Sales chez qui j’étais souvent, des Inventeurs. De grands Inventeurs et de dignes gens. De bons amis à moi aussi. Ils ne parlaient pas allemand, ils étaient orthodoxes. Le petit-fils fait du cinéma, aujourd’hui.
Macha. Mettons que la vie soit un brouillon, et qu’on recommence. Mais les autres, les Demi-Deuils, les Millions de Marchés, les Installations de Machines à Tortures dans les Instants, les Représailles, non ! Jamais ! Je sais maintenant : il faut éviter tout ce qui glisse et qui caractérise, tout ce qui est crachat et ne se résout pas dans un cri uni. Sinon on se tait, on prend d’autres manières que les siennes, dans la soie ou dans le meurtre, on se résigne. Alors là, la vie serait propre, on recommencerait, on arrangerait une pièce, comme ici, avec des fleurs, une masse de lumière et des petites filles pleines d’espoir.
(Un silence.)

Publié le 5 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Nicolaï et Macha. Hôtel Saint-François - Les Adolescents. Été

Date du document : 1975

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

« Alors Flahaut lui dit : “Hortense, calmez-vous ! Paluchez-vous d’un seul doigt.” » Macha lisait ça à Don Jujus, les cuisses écartées sur le lit, Macha qui venait de Mouch, en Turquie ; elle était douce au toucher. Lui était plutôt dru, et orienté vers l’Orient. Rosa, à Caen, lui en avait parlé, ancienne copine à elle du Conservatoire.
Elle le masturbait sur elle, elle avait deux petites roses (rouge, blanche) prises dans son bracelet de la main gauche ; les secousses ne les firent jamais tomber. L’œil unique de la caméra portative de Jujus allait et venait. Et rang’ ! Et rang’ ! Elle était là, dans l’hôtel Saint-François, pour travailler avec le Groupe du Théatre du “Styx” du Lycée, juste en face, rue du Mirail, qui à présent avait son bus près de l’Académie, et pour préparer le départ à Cádiz. Lui venait du groupe des Anartistes qui habitaient une sorte d’entrepôt dans la zone des marais de Sainte-Croix ; il avait rencontré Macha avec moi à l’Académie ; ils se plurent momentanément. Ensuite, dès qu’elle aurait les mains libres, elle devait écrire un papier sur la prochaine fermeture de La Roquette, d’ici quatre à cinq ans. Elle se souvenait de ses copines prisonnières mineures, quand Laurence y était, qui regrettait son chien, son seul ami. Quand l’une d’elles recevait une lettre d’amour elle le lisait à toutes les autres et chacune faisait son commentaire ; ça durait parfois des heures autour d’une mince feuille griffonnée.
Dans la chambre à côté un autre comédien de ses amis, surnommé “Aubusson”, comme les compagnons, de son vrai nom André Névrose, et affublé d’un énorme tarin, sans déroger là où un marquis n’aurait pu vendre du drap, puisait tout le feu d’une pièce où il était question d’un texte inachevé volé dans un coffre à soie et d’un autre composé de ses résidus.

Publié le 5 octobre 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Lucerné - Sphère Critique

Date du document : 2008

Texte publié d’abord sur le site de La Main de Singe et paru augmenté dans la revue Fusées n°14.

Pierre-Alain Lucerné est devenu fou en plein soleil, en jouant au tennis, une vraie folie Nietzschéenne, dionysiaque, ni obscure ni coupable, dieu incorporé conduisant à l’exaltation. Là-dessus il a rencontré (était-ce une chance ?) le docteur Ferdière qui avait traité Artaud. Et quand Lucerné lui a raconté qu’il avait des files de mots qui se débobinaient sans cesse dans sa tête, jour et nuit, l’autre a presqu’exulté et lui a dit en quelque sorte : “C’est bien, continuez !”
J’ai rencontré Pierre-Alain Lucerné en novembre 1975 sur l’incitation de Christian Prigent, alors que je me trouvais à Tours, pour échapper à cette ville à plus d’un titre nauséuse. Beauté du conflit mondial du schizophrène qui faisait croire qu’on était en guerre avec ces âmes de tuffeau, crayeuses, meringuées, mièvres. À la suite d’une erreur de lecture dans la lettre de Christian, j’avais cru lire au lieu de Lucerné “Lemarrié”, ce qui fit beaucoup rire Lucerné, car s’il était une chose que lui avait bien asséné son thérapeute, c’était “Surtout ne vous mariez pas !”
Du reste, les avantages que Lucerné voyait dans la vie à deux se résumaient, me disait-il, lorsque l’une des deux personnes du couple était malade, à ce que l’autre puisse aller chercher des médicaments à la pharmacie. Il ne me parla jamais de son fils, dont je savais qu’il le voyait régulièrement chaque semaine et ne s’intéressait que de très loin aux enfants de sa compagne d’alors.
Il fit partie des rares à qui je parlais alors de la Cosmologie, jamais montrée à ce jour, et il m’aida même à en définir certains territoires.

Publication : Fusées n°14

Publié le 8 août 2008 dans document HSOR texte edition

Journal de Lydou - Les Adolescents. Lycée de Terraube

Date du document : 1975

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

À Terraube
(Importance de “l’Europe plate et froide”.)

Journal de Lydou
24 août

La pluie était très forte, quand nous avons décidé (“Un… deux… trois !”) avec Aube de quitter notre abri pour rejoindre Papa sur le port. Un pauvre chien perdu courait en travers, et en nous voyant surgir, il aboya furieusement, appeuré ; son écho lamentable se répandait dans le lointain. Au loin, la tempête faisait rage, et un bâteau mal amarré alla donner du nez dans la jetée où il se brisa comme un œuf, avec un fracas terrible de craquements multipliés.
Soudain, tout se calma ! Et dans ce cadre tourmenté ce fut comme si tout recommençait.
Dimanche 30 décembre
Claude et Loulou nous achètent des bonbons.
Claude ne m’appelle que Mademoiselle.
Le soir, j’écris à Monique R., Annette P., Marie-José M., Nadine C., Liliane C., Liliane D., Nady F., Marie-Thérèse G., Colette K., Jacqueline L., Lucile M., Monique N.
Cet après-midi, avec Christiane D., nous avons recherché les endroits I (c’était avant tout, avant même les paroles I ). Nous rappellions les quoi ? Il faut dormir.
*

L’année Suivante
Mardi 1er janvier

À trois heures, Christiane D. arrive et nous faisons un devoir d’anglais dans ma chambre par la fenêtre. On rit bien. Puis elle me fait un souvenir (celui qui est à la page précédente), quand Papa arrive et me demande “si il se fait, cet anglais ?” Alors vite Christiane D. tourne la page et fait semblant de faire de l’anglais. Là : “walking back from the school ”. Ensuite on part.
Jeudi 17 janvier
Jean-Pierre Moustéou devait me porter les photos d’identité (il est collé), mais c’est Monique Dégans qui les a prises avant lui. L’après-midi, nous allons à Gauge et on discute avec Alain F. et Jean-Pierre Moustéou. Il y a aussi M. Olivier Larronde, qui est poète ; c’est un ami de Jean. Il est vieux ; il a 36 ans.
Le matin, j’ai donné la lettre de C. et de Christiane D. à une externe.

Publié le 3 août 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Astrobade - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. Lycée

Date du document : 1979

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Astrobade
Gastrobas adorait voler le pain à la cantine du Club des Coqs Rouges ; il le volait par tronçons de miches, en prenant le bout dur. Le Club était toujours resté dans l’ancien bâtiment-entrepôt d’un crépi doré qui abritait jadis le tissu en énormes coupons d’un commerçant juif aujourd’hui ruiné, à l’angle de Sainte-Eulalie.

Publié le 26 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Basile, Zinopino, Morisson - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. Lycée

Date du document : 1979

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Le voyage à Pau
Au Lycée, on adorait tous Basile, le conducteur de bus des voyages
scolaires en fin d’année. Le reste du temps il nous apprenait les passes de foot et officiellement il était factotum.
Il était du coin. Il adorait, surtout l’hiver, avant le jour, péter à la hauteur de l’usine à gaz après s’être gavé de champignons du Sud-Ouest, fureur mégalomaniaque lui donnant l’illusion d’empuantir tout le paysage et imprégnant tellement son siège qu’il en conservait tout du long une aura d’une infection persistante à couper au sabre !
Il nous tenait des discours sur tout pendant le voyage : la Bible qu’il connaissait par cœur, et surtout la Genèse et le problème de la Trinité et du semblant, version italienne. Il nous disait que pour eux, le semblant c’était pas du bidon, c’était même tout l’inverse. Il aurait adoré travailler dans un Hospice mais il avait pas les diplômes.
L’arbre tordu, la veste rouge, il trouvait ça beau, le désordre sur la voie et la route parallèles, par ce temps gris pluvieux couvert : et surtout ce jour-là un morceau déchiré de carton, un vieux chiffon, du poil avec un con, un fion, un tronc, des tétons, un étron…
Il s’agissait du fil même sur lequel les perles de sa folie étaient enfilées.
Par contre tous les lycéens haïssaient cette visite à Lacq, cette “partie utilitaire” du voyage de fin d’année, après Pau, la poule au pot, le roi Henri, Sully-les-Mamelles, l’entrée en pente du château. C’est pour cela qu’on tua cette conne de gallinacée de prof d’Histoire, qui croyait nous faire rire en retournant ses paupières, avec l’aide de Basile, et qu’on en jeta les morceaux par les fenêtres du bus, en désordre !

Publié le 25 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition